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« Quand Emmanuel Macron retourne l’obligation »

L’Elysée a publié, le 26 août, un communiqué dans lequel le chef de l’Etat rendait compte des conclusions qu’il tirait des consultations qu’il avait eues avec notamment les responsables de partis. Ce texte avait une fonction principale : expliquer le refus de nommer à Matignon Lucie Castets et de former un gouvernement du NFP [Nouveau Front populaire]. Mais il avait une seconde fonction : rappeler que si son parti a perdu les élections, selon lui personne ne les a gagnées non plus. Les conditions et les conséquences du second tour « obligeraient » les partis à s’engager dans un dialogue en vue de bâtir une large alliance et de s’entendre sur une personnalité pour la porter. Comme si le chef de l’Etat s’était mis à distance de la dissolution et faisait peser sur les partis politiques la charge de ses conséquences.
Si le verbe « obliger » n’est pas dominant dans les discours d’Emmanuel Macron, il intervient lorsque le chef de l’Etat veut exprimer la dette de la nation, notamment aux générations de guerre. L’usage de ce verbe est une intéressante clé de lecture de son discours par temps de crise politique comme celle d’aujourd’hui. Emmanuel Macron enjoint aux partis politiques de ne « pas oublier les circonstances exceptionnelles d’élection de leurs députés au second tour ». Il énonce un impératif moral, qui s’imposerait aux partis : respecter le vrai sens (selon lui) du résultat des élections, qui n’est pas le choix d’un programme mais le barrage du front républicain face au RN [Rassemblement national]. Emmanuel Macron s’adresse à la gauche pour lui signifier que si elle est en tête en nombre de sièges, elle n’a pas (selon lui) gagné la bataille programmatique. On peut remarquer l’exclusion de La France insoumise (LFI) du périmètre des partis politiques que la situation « oblige » : le Parti socialiste, les écologistes et le Parti communiste sont invités à s’engager sur des « chemins pour coopérer avec les autres forces politiques ». Il semble d’ailleurs bien que LFI entende prendre d’autres chemins, nettement plus contestataires.
Le syntagme verbal par lequel le chef de l’Etat exprime cette « obligation » morale (« ce vote les oblige ») rappelle bien sûr sa déclaration au soir de sa réélection : il avait alors exprimé que le vote du second tour « l’obligeait ». En jouant ainsi avec les mots, le chef de l’Etat prend le risque qu’une autre signification du verbe « obliger » apparaisse : le 24 avril 2022, n’était-il pas l’obligé de la situation, celui qui est débiteur ? C’est d’ailleurs ce qu’il disait ce soir-là : « J’ai conscience que ce vote m’oblige pour les années à venir », une promesse de payer en retour le crédit qui lui avait été accordé une seconde fois par des électeurs n’ayant pas voté pour lui au premier tour. Parmi ses opposants, on doit trouver que la créance des urnes n’a pas été vraiment remboursée.
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